ERRÓ

ERRÓ
ERRÓ

ERRÓ GUNDMUNDUR GUNDMUNSSON dit (1932- )

Après avoir étudié la peinture à l’Académie de Reykjavik et contribué au sauvetage des passagers d’avions qui s’écrasent parfois sur les sommets de l’Islande ou récupéré la cargaison des bateaux qui font naufrage sur ses rives, Gundmundur Gundmunsson, peintre islandais né à Olafsvik, dit Ferró, puis Erró, devenu professeur d’art en 1951, a d’abord peint des fresques à l’Académie d’art d’Oslo. En 1953-1954, il voyage en Espagne, en Allemagne, en France et en Italie, puis il étudie les mosaïques byzantines à l’Académie d’art de Ravenne, où il rencontre Jean-Jacques Lebel, qui le présentera à quelques écrivains et peintres de Paris. Ses premiers tableaux, les Carcasses , s’inspirent des armures de chevalerie (1955-1957), ou représentent des ensembles de têtes comme des agglomérations d’atomes géants. Dès 1958-1959, ses collages juxtaposent de manière mécanique, avec une froideur ironique qui rappelle les photomontages dadaïstes de Raoul Haussman ou de John Heartfield, des images de moteurs, de pneus, de meetings politiques, qui s’intègrent souvent à des visages, de manière que la mécanisation de l’existence humaine soit le plus brutalement possible mise en évidence. Ces collages préfigurent de deux ou trois ans la naissance du pop art, de même que ses assemblages, les Mécamasks de 1959, qui s’incorporeront aux décors du film qu’il réalise avec Éric Duvivier, Mécamorphoses (1962), où il prêtera visage ou corps humain à toutes sortes de machines. Il continuera cependant de peindre jusqu’en 1962 des personnages embryonnaires, mi-fœtus, mi-cocons, dans des architectures imaginaires qui tiennent de la ruche, de la bibliothèque, de l’usine ou des chaînes de montage: Vestiaires masqués (1959-1962), Human Libraries (1959), les Usines (1959-1962). Son grand tableau, Les Galapagos (1959) — un grouillement d’iguanes —, marque le départ de sa série des Scapes , qui vont jalonner toute son œuvre comme les points forts, par leurs grandes dimensions et leur puissance formelle, de chacun des thèmes qu’il va successivement aborder, avec une énergie, un humour, une abondance d’images sans équivalent dans la peinture de la seconde moitié du XXe siècle.

À partir de la série Vacances en Suisse (1959-1963), où il ressuscite la figure humaine sans ajout mécanique obligatoire, il va, pour les collages qui servent de modèles à ses tableaux, faire appel à un stock d’images empruntées à tous les domaines: planches anatomiques, livres pour enfants, publicité, catalogues d’expositions, ouvrages de science-fiction, affiches de propagande, traités de chirurgie, caricatures, images érotiques, etc. Alternant ses voyages et ses séjours entre Paris, les États-Unis, l’U.R.S.S., l’Extrême-Orient, il confronte des citations de la peinture moderne (Van Gogh, Modigliani, Picasso, Matisse et surtout Léger) à toutes sortes d’images contradictoires, ou les mêle les unes aux autres ou à des personnages de bandes dessinées, dont il sera avec Roy Lichtenstein le premier à tirer un parti pictural original. On pourrait croire — à tort — que préfigurant aussi le postmodernisme, il cherche à rendre toute représentation dérisoire et toute peinture superficielle, mais dans les portraits qu’il fait des poètes (Maïakovski , 1964-1966) ou des grands musiciens, dans la série Contrepoint (1978-1983), il dément cette dérision par de poétiques agencements de paysages et d’animaux sauvages. Il se moque finement du pop art dans sa série Pope Art (1965), où la figure du pape est sans cesse oblitérée par des images récurrentes de la peinture moderne. Ses peintures politiques, également, prouvent ses préférences ou tout au moins sa grande sympathie pour certaines figures révolutionnaires, comme Che Guevara ou le président Allende, dont il montrera de grands portraits allégoriques en 1977 au Centre Georges-Pompidou lors de l’exposition Guillotine et peinture: Topino-Lebrun et ses amis . Dans ses American Interiors de 1968, il faisait entrer les combattants du Viêtcong dans les appartements de la middle-class américaine, et c’est la série Chinese Paintings , à partir de 1972, qui a déclenché sa réputation internationale: le président Mao Zedong s’y promène, au pied de l’Arc de triomphe, entouré d’un champ de blé, ou ses combattants posent triomphalement devant le Capitole de Washington. Il a réalisé plusieurs peintures murales, en 1982, sur un immeuble d’Angoulême, un hommage aux créateurs de la bande dessinée, et en 1990 à la Cité des sciences et de l’industrie de La Villette, Les Savants , dans laquelle il célèbre les savants du monde entier. En 1992, le Centre culturel d’Issoire lui a consacré une exposition regroupant des peintures des années 1979-1992 qui attestent le cosmopolitisme authentique d’Erró: toiles de la série Japanese Love Letters qui représentent, avec des couleurs estompées, sept couples victimes de l’époque Taish 拏 (1910-1925) et dix-huit toiles où l’on retrouve les caractéristiques formelles et chromatiques des images bariolées de la société de consommation. L’œuvre d’Erró, qui est par définition inachevable, se présente comme une combinatoire de toutes les images.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем написать реферат

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Erró — (1995) Erró (* 19. Juli 1932 in Ólafsvík, Island; eigentlich Guðmundur Guðmundsson) ist ein isländischer Maler. Von 1952 bis 1954 studierte er an der Kunstakademie in Reykjavík und in Oslo. Anschließend ging er nach Florenz, wo er sich bis 1958… …   Deutsch Wikipedia

  • Erro — can refer to:* Erro, Navarre, a municipality in the autonomous community of Navarre, Spain * Eric Roberson, an R B recording artist and songwriter * Erró, a postmodern Icelandic artist * Erro (crater), a lunar crater * Luis Enrique Erro (1897… …   Wikipedia

  • erro — |ê| s. m. 1. Ato de errar. 2. Inexatidão. 3. Apartamento, desvio do bom caminho. 4. Engano. 5. Desacerto. 6. incorreção. 7. Pecado, ilusão. 8. erro de caixa: erro de composição tipográfica. 9. salvo erro: se não houver erro …   Dicionário da Língua Portuguesa

  • Erró — (born Guðmundur Guðmundsson in 1932 in Ólafsvík, Iceland) is a postmodern artist. He studied art in Norway and in Italy, and has resided in Paris, Thailand and on the island of Formentera for most of his life. In 1989 he donated a large… …   Wikipedia

  • erro — (de «errar»; ant. y usado aún en Hispam.) m. Yerro o error. * * * erro. (De errar). m. Am. Error, yerro …   Enciclopedia Universal

  • Erró —   [ɛ ro], eigentlich Guđmundur Guđmundsson [ guȓ ], isländischer Maler und Grafiker, * Ólafsvik 19. 7. 1932; lebt meist in Paris. Erró entwickelte in den 60er Jahren eine aggressiv satirische, gesellschaftskritische Form der Pop Art. Er… …   Universal-Lexikon

  • Erro — Erro, geb. 1790 in Navarra, war 1822 einer der Präsidenten der Regierungsjunta zu Sen d Urgel, Mitglied des Staatsraths, später Finanzminister Ferdinands VII., trat zur Carlistischen Partei über, unterstützte Don Carlos in London, selbst mit… …   Pierer's Universal-Lexikon

  • erro — (De errar). m. Am. Error, yerro …   Diccionario de la lengua española

  • Erró — Pour les articles homonymes, voir Erro et Guðmundur Guðmundsson. Erró (né Guðmundur Guðmundsson le 19 juillet 1932 à Ólafsvík, Islande) est un artiste postmoderne. Sommaire 1 Biographie …   Wikipédia en Français

  • Erro — Erroibar Valle de Erro Erro Bandera …   Wikipedia Español

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”